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Quatre siècles de musique tchèque à Dijon

 

Dijon, Auditorium, 12 février 2016, par Eusebius ——

Les « Czech Virtuosi » sont maintenant bien connus à Dijon. La saison passée, où ils ont donné une extraordinaire Kát'a Kabanová, restera dans les annales. Deux concerts en deux jours : les cordes le premier soir, l'orchestre au grand complet le second. De quels meilleurs ambassadeurs rêver pour un programme tchèque et morave, sans oublier Mozart qui adorait autant Prague qu'il détestait une certaine Vienne ?

De František Xaver Richter (plus connu avec son prénom germanisé, Franz Xaver), un remarquable Adagio et fugue, en sol mineur, écrit certainement à Mannheim, aux couleurs « Sturm und Drang », tourmenté sombre, avec un sujet de fugue chromatique descendant. Les cordes s'y révèlent très pleines, au jeu nuancé. De Jiří Antonín Benda (Georg Anton en Allemagne où il fit carrière) une symphonie pour cordes de 1760. Même s'il ne fréquenta pas l'école de Mannheim, l'influence est évidente. Un moderato insouciant, souriant, suivi d'un allegretto ternaire pour terminer allegro vivacissimo, au caractère de scherzo, sans trio. Ajoutez les cors et les bois par deux et on n'est pas loin de la production contemporaine de Haydn, aux accents tchèques.

Un siècle auparavant, en 1667, Pavel Vejvanovsky, successeur de Biber à Kremsier, nous offre cette sonate mi vénitienne, mi viennoise pour trompette et cordes. Sorte d'Intrada, en six parties, ouvertes par le soliste, les cordes répondant en écho. Un saut de deux siècles et nous découvrons la suite pour cordes, d'un jeune Janáček de 23 ans, d'un singulier modernisme (on est en 1877) malgré la référence — gommée après coup — à la suite de danses. On y perçoit déjà ce qui s'épanouira ensuite. La marque de Dvořák, dont il venait de diriger la Suite, mais aussi celle de Tchaïkovski (Sérénade pour cordes) y sont perceptibles. Des six mouvements, le premier adagio, sans les basses, en sourdines, est admirable. Le second ne l'est pas moins, où les basses énoncent une ample phrase avant que les altos et les violons leur répondent, avec un solo de violoncelle à l'émotion contenue. Sa plénitude sereine  n'appartient qu'à Janáček. L'andante final, très lyrique, passionné, confirme la maîtrise exceptionnelle du jeune compositeur.

De Bohuslav Martinů, la sérénade pour 2 violons et alto, H 216 de 1932, de fait joué ici par un orchestre à cordes privé de ses basses. L'allegro initial, animé, jovial à l'écriture à la fois simple et recherchée, est suivi d'un bref andante ternaire. L'allegro con brio final commence par un puissant unisson, enlevé. Dans cette sorte de rondo, l'inspiration populaire est toujours bien présente, mais élégamment présentée avec des contrepoints discrets et raffinés, très classiques.

La sérénade pour cordes de Josef Suk, opus 6, de 1893, est une authentique découverte, un très grand moment. Trop souvent réduit à être le gendre de Dvořák, cet immense compositeur sait s'affirmer avec une personnalité indéniable. Ainsi la richesse et l'invention renouvelée du matériau sonore : les combinaisons instrumentales les plus riches  permettent de colorer le propos avec un raffinement et une force indéniables. La distinction de l'andante con moto, avec son violon solo, cède le pas à l'allegro ma non troppo, à l'ardente sève tchèque, sorte de valse légère, souple et très originale, avec toute la grâce requise. L'adagio, amplement développé, commence par une belle phrase du violoncelle solo, accompagné de son pupitre. La suite est aussi dense, magique. L'allegro giocoso, fiévreux,  tourbillonne, léger, aérien et nerveux, mais aussi plein, avec de belles phrases homophones avant de retrouver le caractère initial.

Les musiciens jouent sans chef, le Konzertmeister donnant les départs de son pupitre. La longue fréquentation de ce répertoire qui doit leur être le plus familier donne une cohésion exceptionnelle, un caractère inimitable à leur jeu. L'ensemble convainc par ses couleurs, son homogénéité, son caractère chambriste, permanent, la qualité de ses solistes. La conduite des lignes, des phrasés, la beauté du son en font une formation rare, que l'on a un profond plaisir à retrouver.

En bis, les 21 musiciens reprennent le début du premier mouvement de cette sérénade. Ils sont heureux et se congratulent, le public est ravi, à juste titre.

plume  Eusebius
13 février 2016

 

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